[Portrait] Tiphaine Bouglon, Doctorante et chargée de travaux dirigés en Droit

Sur quoi portent vos recherches ?

Ma thèse porte sur le concept d’Internet ouvert, une manière d’envisager l'accès aux contenus en ligne à l'épreuve des réseaux, des plateformes et des terminaux.

Dans un monde où l’essentiel de nos échanges se fait en ligne, nos communications font l’objet de réglementations de la part des États mais sont aussi régies par des règles déterminées par un vaste ensemble d’acteurs privés. S’il est crucial de restreindre la circulation de certains contenus en ligne (les contenus illicites), on constate que ces acteurs s’arrogent des pouvoirs qu’il convient de questionner et d’encadrer. Dans ma thèse, j’observe et interroge tous ces rapports de force entre États, acteurs privés et internautes. J’étudie les obstacles qui se dressent entre ce à quoi les internautes peuvent accéder en ligne, et ce à quoi ils veulent accéder. En somme, je m’interroge sur ce que l’on attend d’Internet et des outils numériques que nous utilisons. Une ouverture totale, un usage totalement décomplexé est-il souhaitable ?

Quelle est votre actualité scientifique ?

Quelques mois après le début de ma thèse, j’ai écrit un article publié dans la revue Lamy Droit de l’Immatériel. Il s’agit d’une adaptation de mon mémoire de master 2, dans lequel je m'intéresse aux liens entre une obligation de déchiffrement d’un moyen de cryptologie et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

En outre, je suis sollicitée de temps à autre par des journalistes pour répondre à des questions d’actualité concernant le droit du numérique, ce qui a donné lieu à plusieurs contributions à des articles de presses. Par exemple :

Depuis, j’avance dans mes recherches et en ce moment je prépare des propositions de contribution à des colloques portant sur le harcèlement en ligne.

Pourquoi avez-vous choisi de travailler dans la recherche universitaire ?

Lorsque j’ai commencé mes études de droit, j’avais l’image naïve, bien que noble, de l’avocat défendant des causes perdues, du juge d’instruction poussant les limites de l’enquête pénale. Au fil des années, j’ai compris que si une majeure partie de la pratique juridique tient à l’application du droit, il faut bien que celui-ci ait été élaboré au préalable. Le droit n’est pas une science exacte. Il tente d’apporter des solutions concrètes aux problèmes soulevés par l’activité humaine. Or, celle-ci fait naître chaque jour de nouveaux enjeux pour le droit. Pour façonner le droit positif, la recherche doit d’abord explorer le continent du droit prospectif. Quoi de plus exaltant, dès lors, que de réfléchir aux règles de demain ? C’est dans ce noble travail de fond, de minutie, de presque absolu que j’identifie ma vocation.

Quel conseil donneriez-vous aux étudiants qui souhaitent faire de la recherche ?

Identifier rapidement les sujets qui vous intéressent et, pour parler de mon domaine, les vides juridiques ou difficultés qui peuvent exister dans certains pans du droit.

Je pense qu’il est également primordial de voir plus loin que son sujet et de le replacer dans un contexte sociétal global dès le début : en quoi mon sujet va-t-il faire avancer l’humanité ? Il ne s’agit pas de prendre la grosse tête — au contraire, cela permet de garder à l’esprit que l’on ne va pas révolutionner la matière (même si ce n’est pas exclu non plus !) mais s’inscrire dans une lignée de chercheurs et petites avancées qui aboutiront, à la fin, à un résultat collectif et ambitieux.

Quand Albert Einstein a émis l’hypothèse de l’existence d’ondes gravitationnelles 1916, il n’avait pas les moyens de le prouver. Pourtant, le travail qu’il a accompli à son niveau (pas des moindres, il faut l’admettre) a permis aux chercheurs des générations suivantes de poursuivre le chantier, pour aboutir finalement, exactement un siècle plus tard, à la démonstration de la preuve de leur existence.

Quel objet ou quelle image de votre activité vous illustre le mieux ?

Mon chat fait beaucoup de bêtises et se révèle particulièrement pot-de-colle lorsque je travaille, mais c’est un réel soutien au quotidien !

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