[Portrait] Gaël Depoorter, Maître de conférences en Science Politique (•JPEG)

Sur quoi vos recherches portent-elles ?

Mes travaux portent sur les enjeux socio-politiques du numérique. Le poncif le plus courant affirme que ces outils révolutionnent tout ce qu’ils touchent. Ce qui m’intéresse c’est beaucoup plus ce qu’ils maintiennent et renouvellent. Après une thèse qui visait à rendre visible et sociologiser un univers souvent maintenu obscur et exotique qu’est celui des « hackers » j’ai décidé de m’atteler, avec la même optique, à deux nouveaux sujets de recherche : celui de la « data » (à partir de l’open data touristique) et des « cryptomonnaies » (en particulier à Bitcoin).

Quelle est votre actualité scientifique ?

Dans un premier temps, avec Yannick Hascoët, nous finalisons un article scientifique qui se penche sur les « petites mains » de la production de donnée, souvent maintenues à l’écart des récits grandiloquents de la Start-up nation et qui en sont pourtant les rouages essentiels. En parallèle, dans le cadre d’un partenariat européen (Emildai), je participe à la publication dans l’année d’un ouvrage dans lequel j’apporte une contribution sur Bitcoin et qui vise à en expliciter les enjeux techniques et politiques, notamment en proposant une analyse critique du débat, souvent virulent, sur sa consommation énergétique.

Pourquoi avez-vous choisi de travailler dans la recherche universitaire ?

Qu’est-ce que l’on « choisit » et qu’est-ce qui nous incline à nous orienter dans telle ou telle voie ? Je ne vais pas faire ici mon auto-socioanalyse alors si je dois céder aux sirènes des « confessions narcissiques » je dirais que j’avais besoin de me donner des outils pour saisir le folklore exubérant du monde qui nous entoure, de lui donner un sens. J’avais envie de temps pour élaborer un cadre dans lequel penser, lire, écrire et rencontrer. Depuis, je me suis rendu compte que le temps nous manque cruellement.

Quel conseil donneriez-vous aux étudiants qui souhaitent faire de la recherche ?

La recherche dans ma discipline, c’est d’abord un travail passionnant et déstabilisant de problématisation du monde social, en relation continue avec un travail d’enquête de terrain. Il faut donc être curieux, légèrement mono-maniaque, parvenir à apprivoiser le pétillant chaos laissé par cet arbitraire que nos recherches participent à dévoiler, et être motivé par les enjeux de réflexivité sans se laisser subjuguer par une forme d’« intellectualisme de cabinet » opérant, par magie, en apesanteur dans le monde social. Je crois qu’il faut aussi être porté par un engagement personnel, savoir pour et contre quoi on mène sa recherche, et parvenir à le subsumer sous une démarche méthodologique et scientifique.