Colloque international – LES HYSTÉRIQUES. CONTRE-HISTOIRE D’UN DISCOURS

Actualité 9 mai 2025

LE ISTERICHE CONTROSTORIA DI UN DISCORSO

Lieu : Avignon Université -salle des thèses
Date : 12-13 mai 2025
Organisation : Laurent Lombard (Avignon Université/ICTT), Stefania Achella (Università di Chieti-Pescara), Davide Luglio (Sorbonne Université)
Laboratoires porteurs : ICTT (Avignon Université) et L&gend (Université de Chieti-Pescara)

Au cours du XIXe siècle, l’hystérie prend une place centrale dans la littérature et l’art. Elle devient protagoniste d’une narration qui dépeint les femmes comme constamment insatisfaites : capricieuses et faibles, instables et dotées d’un désir violent, ou encore séduisantes et dangereuses, mythomanes, menteuses pathologiques.

L’image de la femme hystérique exerce ainsi un fort impact sur le monde artistique. Cette représentation se diffuse dans les théâtres et les cabarets, grâce notamment aux performances de célèbres actrices telles que Sarah Bernhardt et Eleonora Duse, et pénètre une littérature qui décrit la réalité féminine comme constamment floue, suspendue entre fragilité physique et mentale, avec une sexualité exacerbée, potentiellement dangereuse pour l’homme qui doit savoir reconnaître, contrôler et, si nécessaire, punir cet excès.

L’étymologie du terme – hystéron, utérus – lie l’hystérie directement au corps de la femme. Cliniquement, elle se manifeste par de la stupeur, des délires, des amnésies, des comportements infantiles, de la pseudodémence, des hallucinations et des altérations psychogènes de la conscience. La cause est souvent identifiée dans un énorme désir sexuel insatisfait. Le remède proposé, depuis les temps de Rabelais, qui était à la fois écrivain et médecin, était d’occuper les femmes à des tâches domestiques, ou, comme on le pensait au XIXe siècle, de lui imposer des rapports sexuels conjugaux, même contre sa volonté.

C’est cependant au XVIIIe siècle que l’hystérie est classée parmi les névroses génitales féminines, comme le fait le grand médecin de la Révolution française, Philippe Pinel, dans sa Nosographie. Et bien que Charcot, un siècle plus tard, ait avancé l’idée que l’hystérie puisse découler d’une lésion dynamique du cerveau, la séparant ainsi de sa connotation exclusivement féminine, ce sont justement certaines personnalités fréquentant son salon qui donneront naissance aux soi-disant « romans de la Salpêtrière », probablement influencés par les Leçons du mardi à la Salpêtrière ou les Leçons cliniques sur l’hystérie et l’hypnotisme de Pitres introduites par Charcot, qui donnaient lieu à des dialogues avec les patientes hystériques, rapportés de manière quasi théâtrale. Sur cette ligne, on voit apparaître Les Amours d’un interne de Jules Claretie ou la dystopie cynique de Léon Daudet, Les Morticoles, des romans situés précisément dans le célèbre hôpital psychiatrique français, et qui, avec des œuvres plus célèbres comme Thérèse Raquin de Zola ou les Rougon-Macquart, contribuent à renforcer le lien entre l’hystérie et le caractère féminin. Et parmi les cas cliniques traduits en littérature, celui de l’hystérie légère reste central – caractérisée qu’elle est par l’extrême volatilité des sensations – et qu’a rendu célèbre le physiologiste (et romancier à ses heures) Charles Richet dans un article publié en 1880 dans la Revue de deux mondes, connu surtout pour avoir consacré la renommée posthume d’Emma Bovary comme le prototype de l’hystérique du XIXe siècle. Ici, l’hystérie est liée au caractère rêveur et naïf de la femme bourgeoise (ce que Jules de Gaultier désigne sous le terme de « bovarisme »). C’est cette même ligne qu’empruntera l’écrivain italien Italo Svevo, avec le personnage d’Amalia dans Senilità.

Les sujets hystériques décrits par Freud sont également des femmes, appartenant à la classe bourgeoise du XIXe siècle, à des familles cultivées mais conditionnées par des conceptions rigides, moralistes et hyper-contrôlantes, surtout en ce qui concerne les mœurs sexuelles et le rapport au corps. Une société dans laquelle les instincts et les pulsions sexuelles et agressives étaient tenus en échec par des impératifs moraux indiscutables. Il faudra attendre la troisième édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders en 1980 pour voir l’hystérie exclue des pathologies, précisément parce que dire « hystérique » signifiait dire « femme » et, surtout, une femme incapable et inadaptée, inférieure ; parce que c’était une étiquette trop discriminante et misogyne, elle a été remplacée par le terme « histrionique », qui peut s’appliquer aux deux sexes. Pourtant, bien que la catégorie de l’hystérie ait été contestée par la nosologie médicale, elle a laissé une marque indélébile non seulement dans la littérature moderne et contemporaine mais aussi dans notre culture. L’accusation d’hystérie continue à représenter l’empreinte distinctive du féminin, connotant de manière péjorative son caractère. Le colloque Les hystériques. Histoire d’un préjugé (1800-1950) vise à analyser l’usage de l’hystérie comme instrument de diabolisation, comme stigmatisation sociale et familiale – en plus d’être médicale – de la femme, ainsi que ses répercussions dans la littérature, le cinéma, le théâtre, les arts plastiques entre le XIXe et le XXe siècle.

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