[Portrait] Sylvain Bertschy, Professeur Junior en histoire contemporaine (CNE)
Sur quoi vos recherches portent-elles ?
Mes recherches interrogent d’une part les transformations du champ médical et des politiques de santé au XXᵉ siècle et, d’autre part, la manière dont la colonisation toxique du monde recompose les inégalités socio-territoriales de santé. Elles visent à comprendre comment les mutations historiques du travail et de la production, notamment leur intensification chimique, ont participé du processus de toxification des écosystèmes et des corps et comment, en retour, ce dernier met à l’épreuve les formes historiques de la protection sociale et sanitaire.
Quelle est votre actualité scientifique ?
Je termine actuellement des travaux consacrés aux relations entre champ médical et champ du pouvoir entre 1914 et 1970. Un chapitre d’ouvrage consacré au rôle des médecins civils dans le gouvernement de la santé en guerre vient de paraître dans un ouvrage intitulé « En déplacement. Le passage des frontières professionnelles en question ». Un article consacré à la trajectoire réformatrice de Robert Debré est aussi en cours de rédaction avec François Buton dans le cadre d’un dossier de la revue Politix.
Par ailleurs, deux projets de recherche se poursuivent avec le Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle et environnementales (GISCOPE 84). L’un porte sur les inégalités de genre face aux expositions cancérogènes dans les activités professionnelles de nettoyage, l’autre sur les malades atteints d’un cancer du travail alors qu’ils ou elles sont encore en activité et que se pose la question du retour au travail. Dans le cadre de la chaire ToxCit, et toujours en partenariat avec le GISCOPE 84, un programme de recherche démarre et vise à faire du travail une question d’histoire environnementale à part entière, à restituer l’histoire des liaisons et déliaisons entre santé travail/santé environnementale et à comprendre comment des territoires comme la vallée du Rhône ont pu devenir des territoires toxiques.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler dans la recherche universitaire ?
Les choses ne se posent pas toujours en termes de « choix », de décision rationnelle et bien pesée. Comme nous l’enseignent les sciences sociales, c’est davantage une histoire de trajectoire, de disposition et de rencontres. Pour ma part, je suis devenu un « bon étudiant » sur le tard, en découvrant la recherche en master et en travaillant sur l’histoire des politiques de santé aux colonies. La recherche s’est alors imposée, sans certitude de pouvoir devenir un jour enseignant-chercheur. Peu de métiers permettent de consacrer du temps et de l’énergie à construire une meilleure compréhension du monde en le rendant peut-être un peu plus intelligible à d’autres, de travailler collectivement, avec des collègues brillant·e·s et investi·e·s, sur des sujets à forts enjeux sociaux ; c’est passionnant.
Quel conseil donneriez-vous aux étudiants qui souhaitent faire de la recherche ?
La recherche de manière générale – et particulièrement en sciences historiques et sociales – se trouve dans une situation très délicate, notamment en raison de la réduction drastique et continue du nombre de postes dans l’Enseignement Supérieur. Dans ces conditions, la persévérance est sans doute la première ressource à développer, tout en restant lucide. Le doctorat est une formation à la recherche par la recherche, qui souvent s’accompagne d’un service d’enseignement, c’est une véritable expérience professionnelle à prendre et faire valoir comme telle. Elle permet de développer nombre de compétences dont on n’a pas toujours conscience en débutant mais qui ouvrent d’autres voies que celles de l’Université ou des organismes de recherches. En résumé, il faut s’engager pleinement, essayer de s’entourer au mieux et prévoir des portes de sorties.
Quel objet ou quelle image de votre activité vous illustre le mieux ?
Les archives, quoi d’autre ?! Ici, en l’occurrence, des dossiers issus des archives privées et inédites de Robert Debré.
L’enregistreur et le carnet, un peu désuet sans doute, mais indispensables !
Le Centre Norbert Elias (UMR 8562)
Le Centre Norbert Elias (UMR 8562) fédère des chercheur·es issu·es de différentes disciplines, convaincu·es de l’unité des sciences humaines et sociales. Le laboratoire est implanté sur le campus EHESS Marseille à la Vieille Charité et sur le campus Hannah Arendt à Avignon Université. Il regroupe 50 chercheur·es, 80 doctorant·es et une équipe d’appui d’une dizaine de personnes qui travaillent sur l’analyse et la description des mondes sociaux. Les travaux se déploient autour de quatre thématiques : Lieux et formes du politique ; Enfances, familles et parenté ; Écologies et soins ; Formes et processus de la culture.
Les portraits
Mis à jour le 13 novembre 2024