[Portrait] Simon Marcellin, Maître de conférences en physique (UMR EMMAH)

Sur quoi vos recherches portent-elles ?

L’un des axes de recherche de l’UMR EMMAH porte sur la caractérisation de milieux complexes par des méthodes non invasives. Le sol constituant un milieu particulièrement hétérogène et les ondes radars étant non destructives, je m’oriente logiquement vers l’optimisation de l’imagerie géo-radar. C’est en accord avec mes travaux antérieurs sur la propagation des ondes électromagnétiques dans des structures sub-longueur d’onde. Pour les radars, l’interface air-sol pose un problème majeur : l’immense partie du signal y est réfléchie, limitant fortement les capacités d’imageries du sol.

Des solutions existent pour optimiser le couplage à l’interface (on appelle ça dans le jargon l’adaptation d’impédance) et sont assez intuitives à comprendre : à l’image du gel utilisé lors d’une échographie Doppler pour favoriser la pénétration des ondes, mon objectif est de concevoir une structure à l’interface (une métasurface) capable de maximiser la transmission des ondes radar dans le sol et d’améliorer la qualité de l’imagerie. Simple sur le papier, mais complexe à réaliser bien sûr : ce travail est à la croisée des mathématiques appliqués pour le volet inversion (reconstruire les propriétés du milieu), de la physique numérique (pour concevoir la métasurface) et nécessite le sens pratique d’un ingénieur puisque les dispositifs seront fabriqués et testés sur le terrain.

Quelle est votre actualité scientifique ?

Je suis encore un bébé chercheur, mais fort heureusement, je viens tout juste de décrocher une bourse ANR Jeunes Chercheuses et Jeunes Chercheurs (JCJC) en 2025. Elle court jusqu’en 2029 et me permettra d’encadrer un doctorant dès 2026 et 4 stagiaires de Master 2 sur 4 ans, via le projet METINVERSE, soit l’optimisation de la métasurface décrite ci-dessus. Ce sujet risque de prendre une place importante dans l’équipe PHYSIQUE dans les années à venir, presque chaque membre y émarge à plus ou moins fort degré.

Pourquoi avez-vous choisi de travailler dans la recherche universitaire ?

J’ai vu de la lumière alors, je suis rentré ! En vérité, c’est une demi-blague. Dès le lycée, je savais que je voulais faire des longues études en physique, j’y étais à l’aise, mais j’avais encore des doutes et surtout, je n’imaginais pas en faire un métier. J’ignorais alors tout des diverses branches de cette discipline. Même après mon doctorat — qui pourtant prépare précisément à cela — je pensais que la recherche universitaire n’était finalement pas faite pour moi. Avec un peu de recul, et grâce à mes différentes expériences post-doctorales, j’ai changé d’avis, tant sur le plan disciplinaire qu’humain. Il y a des personnes extraordinaires dans ce métier ! Et encore tellement de choses à faire, malgré l’obésité de la production scientifique mondiale et la difficulté pour s’y retrouver.

Quel conseil donneriez-vous aux étudiants qui souhaitent faire de la recherche ?

D’y aller ! Il y a certes mille reproches possibles, conjoncturels comme structurels. Sur le plan individuel, il faut aussi savoir encaisser les déconvenues, mais ça reste un métier qui offre une immense liberté d’action, une stimulation intellectuelle constante et un émerveillement sur le long terme. On croise parfois des chercheurs blasés ou désabusés, mais — peut-être est-ce la naïveté du jeune chercheur qui s’exprime ? — Je suis convaincu qu’il est impossible de se lasser de ce métier tant que l’on continue à nourrir sa curiosité. Si dans vos études, vous avez été stimulé ne serait-ce que par une nano-parcelle d’une micro-discipline : foncez ! Il y a certainement un monde entier à explorer.

Quel objet ou quelle image de votre activité vous illustre le mieux ?

Je passe une grande partie de mes journées derrière un ordinateur : déjà car ma recherche repose principalement sur la simulation numérique mais aussi, en tant que Maître de conférences, car je suis continuellement en train de répondre à des mails — la légende raconte que nous serions les secrétaires les mieux rémunérés du marché ! Cela dit, je préfère vous partager quelques photos de mesures en extérieur, réalisées récemment avec les dispositifs sismiques et le géo-radar de notre équipe. Cela reste représentatif d’une partie du métier… et c’est nettement plus photogénique !

Groupe mixte AU-INRAE-Sorbonne Université lors d’une campagne de mesure sur le site Saint-Paul INRAE-Avignon, parcelle du Lysimètre, en 2024.
Mesures géoradar sur cette parcelle de l’INRAE
Mesures sismiques avec des géophones enterrés sur la même parcelle

Le laboratoire EMMAH

Les recherches menées par l’UMR EMMAH portent sur la compréhension et la modélisation du fonctionnement des agrosystèmes en interaction avec les hydrosystèmes souterrains. Ceci amène l’UMR à considérer le système aquifère-sol-plante-atmosphère à différentes échelles de temps et d’espace. Le fonctionnement de ce système nécessite, pour le comprendre et le modéliser, de prendre en compte de nombreuses interactions entre la dynamique du couvert végétal, les processus physiques, chimiques, biologiques dans les sols, les interactions avec l’atmosphère et les hydrosystèmes ainsi que les modalités de gestion des agrosystèmes. Les travaux menés visent, notamment, à caractériser à différentes échelles spatiales (du millimètre au kilomètre) et temporelles (de la seconde à quelques décennies), les flux de masse entre l’atmosphère, le couvert végétal, le sol et l’aquifère souterrain et les processus intervenant dans la production végétale en relation avec les facteurs du milieu. Ainsi, l’UMR EMMAH contribue à l’évaluation de la durabilité des ressources hydriques souterraines et des systèmes de culture dans un double contexte de changements globaux et de transition agroécologique. Le pourtour méditerranéen reste un terrain d’étude privilégié, région marquée par une évolution rapide du climat et des tensions fortes sur l’eau liées à l’adaptation des systèmes de cultures et une forte pression démographique.

>> UMR 1114 EMMAH – Environnement Méditerranéen et Modélisation des Agrohydrosystèmes