[Portrait] Florence Bistagne, Maître de conférences HDR en études italiennes du Moyen Âge et de la Renaissance
Sur quoi vos recherches portent-elles ?
Mon domaine de recherche se situe au croisement de plusieurs espaces, périodes, langues et disciplines : le royaume de Naples (1442-1503), entre Moyen Âge et Renaissance, qui s’étend sur les territoires actuels de l’Italie du Sud, de l’Espagne, du sud de la France, des îles de Méditerranée et où étaient parlées et écrites au moins quatre langues en plus du latin et du grec. Spécialiste des cultures de l’écrit et historienne des langues romanes, je suis ce qu’on appelle philologue, je recherche, j’édite, je transcris et je traduis des sources historiques et littéraires de cette période, en les mettant à disposition à la fois sous forme de livres, mais aussi sous format numérique.
Je travaille ainsi en latin, grec, « italien », napolitain, catalan.
Quelle est votre actualité scientifique ?
Je suis lauréate d’un projet de recherche collaborative ANR, LUXART, sur le luxe et les arts au royaume de Naples pendant cette période. En collaboration avec Joana Barreto, historienne d’art de Lyon II, et des collègues universitaires et conservateurs de musée italiens et espagnols, nous tentons de reconstruire le patrimoine des rois de Naples dispersé suite aux guerres d’Italie à partir de 1494 dans de nombreux pays (Italie, Espagne, France, Autriche, Belgique, Pays-Bas et même États-Unis) par le biais d’une exposition virtuelle et des éditions numériques avec des textes qui aideront à mieux comprendre ce que sont le luxe, l’usage de l’argent et le statut de l’artiste dans l’Europe de la première modernité.
En 2022, j’ai co-dirigé l’ouvrage Minorités, migrations, mondialisation en Méditerranée XIVe-XVIe siècle, issu du dernier colloque tenu en présentiel à Avignon en février 2020 et qui correspond à l’axe « historique » du laboratoire ICTT. Enfin, en 2023, j’ai dirigé un cahier pour les Mélanges de l’École française de Rome – Moyen Âge, sur un autre programme de travail au sein d’ICTT, le plurilinguisme en périodes anciennes, et j’ai déposé pour publication un livre de sources inédites (correspondances et dialogues) de Giovanni Pontano auprès des Classiques Garnier.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler dans la recherche universitaire ?
Par ma formation initiale à l’École normale supérieure, à la fois en lettres classiques, (latin, grec, français) et en italien, j’ai été sensibilisée tôt à la masse de ce qu’on ne connaît pas encore, aux écritures qu’on ne sait plus lire et j’avais envie de contribuer à la production de connaissances. J’ai exercé différents métiers dans la communication, dans le privé et dans des établissements publics, avant de me fixer à l’université qui allie la recherche, mais aussi sa diffusion et sa transmission par l’enseignement.
Quel conseil donneriez-vous aux étudiants qui souhaitent faire de la recherche ?
Avant tout de choisir un objet de recherche au long cours et qui leur plaise : dès le master, on passe du temps sur la recherche, il faut y trouver du plaisir. Ensuite, vu la situation actuelle, de bien penser à une solution de repli dans laquelle on soit compétent et qui ne soit pas par défaut. De nombreux métiers ont besoin d’une solide formation en sciences humaines et il ne faut pas les négliger.
Quel objet ou quelle image de votre activité vous illustre le mieux ?
Cette page du manuscrit des traités politiques De principe (Le Prince) et De obedientia (Sur l’obéissance) symbolise exactement mes recherches : enluminé et copié à Naples, dans la 2ᵉ moitié du 15ᵉ siècle, il est conservé à la bibliothèque universitaire de Valence, Espagne. Écrit par Giovanni Pontano, premier ministre du royaume mais aussi intellectuel de premier plan, il est dédié au riche prince Roberto Sanseverino, mais c’est l’auteur au travail qui est le sujet de l’enluminure, figurant ainsi la prééminence de l’intellectuel sur l’homme de guerre. C’est un objet luxueux qui, dans son contenu, donne les clefs de la bonne attitude du prince sur ses sujets. Rédigé en latin, il sera lu par Machiavel pour le Prince ! Il symbolise la circulation des biens et des savoirs dans un espace commun sur lequel Naples et sa culture dominent.
Le laboratoire ICTT (Identité Culturelle Textes et Théâtralité)
ICTT (Identité Culturelle Textes et Théâtralité) est une équipe interdisciplinaire qui se compose actuellement de 35 membres permanents et 20 doctorants issus des sections 7, 9, 10, 11, 12 et 14 du CNU. L’équipe examine les problématiques liées aux questions de l’identité et ses représentations, notamment en milieu minoritaire et dans les sociétés en transition ou modifiées par des flux migratoires et le phénomène de la mondialisation.
Les portraits
Vous pouvez découvrir tous les portraits en vous rendant sur cette page.
Mis à jour le 30 octobre 2023