[Portrait] Naomi Mazzilli, maître de conférences et hydrogéologue

Sur quoi portent vos recherches ?
Je suis hydrogéologue : j’étudie les eaux souterraines, et plus spécifiquement les eaux souterraines issues des karsts qui constituent 40 % de notre alimentation en eau potable. On appelle « karst » une roche carbonatée en partie dissoute par la circulation des eaux de pluie. Cette dissolution est à l’origine de tout un réseau de vides organisés, de dimensions variables (ex : les grottes), qui conditionnent les écoulements. Dans un karst, l’eau crée son propre chemin. 
Mes travaux de recherche sont centrés sur la caractérisation et la modélisation de ces aquifères karstiques. Modéliser permet de tester des hypothèses relatives au fonctionnement du système et ainsi de faire évoluer notre compréhension, mais aussi de réaliser des études d’impact dans une optique plus opérationnelle. Un de mes axes de recherche consiste à contraindre les modèles par des observations de natures différentes, afin de réduire l’incertitude associée à leurs prédictions.

Quelle est votre actualité scientifique ?

Comme pour tout chercheur mon actualité est faite de projets, actions et publications aux échelles locale, nationale et internationale. Celle que je souhaite évoquer ici c’est celle qui constitue la base du travail de recherche : l’activité d’observation. C’est sur elle que repose notre compréhension des hydrosystèmes.

Les points forts cette année sont : 

  • la mise en place de stations de mesures automatisées qui permettront un suivi haute fréquence des écoulements observés jusqu’à plusieurs centaines de mètres de profondeur au Laboratoire Souterrain Bas Bruit de Rustrel, en collaboration avec les collègues de l’INRA (conception des prototypes) et des ingénieurs responsables du site ;
  • la réalisation d’un essai par traçage entre le gouffre du trou souffleur (-750 m) et la fontaine de Vaucluse, qui permettra de caractériser le fonctionnement de la zone noyée de ce bassin. Le suivi de cet essai a été assuré en collaboration avec le Service National d’Observation sur le Karst.
  • la réalisation d’un suivi de l’infiltration en zone non saturée suite à un épisode pluvieux par la méthode de résonance magnétique des protons (sur le principe de l’IRM).

Pourquoi avez-vous choisi de travailler dans la recherche universitaire ?

J’ai choisi la recherche parce qu’elle permet de questionner le monde qui nous entoure, avec une grande liberté thématique et organisationnelle.

Exercer ce métier me semble une chance extraordinaire.

J’ai choisi le contexte universitaire pour l’enseignement bien sûr… Transmettre un message scientifique de la façon la plus efficace possible est un domaine de recherche en soi, dans lequel j’ai beaucoup à apprendre ! Par ailleurs suivre l’évolution d’étudiants sur plusieurs années, les voir gagner en assurance et compétences puis s’insérer sur le marché du travail est très gratifiant.

Quel conseil donneriez-vous aux étudiants qui souhaitent faire de la recherche ?

De se renseigner sur le quotidien des chercheurs et enseignants-chercheurs, qui est aussi fait de tâches administratives. De rencontrer plusieurs équipes ou laboratoires de recherche, les pratiques ou ambiances peuvent y être très différentes. Et une fois en thèse, de prendre le temps même si c’est difficile de s’ouvrir à des thématiques un peu à la marge de leur sujet de recherche.

Quel objet ou quelle image de votre recherche vous illustre le mieux ?

Ce cliché présente l’une des plus grosse sources karstiques d’Europe, à seulement 20 km d’Avignon : la fontaine de Vaucluse. 20 m³/s d’eau en moyenne jaillissent du pied d’une falaise calcaire… derrière cette falaise, un bassin d’alimentation de plus de 1000km², où l’eau circule au sein de calcaires de faciès variés, dans des réseaux karstiques en écrasante majorité inconnus… C’est un objet d’études fascinant, j’espère qu’on peut le deviner au travers de cette image !

Naomi Mazzilli
Lapia calcaire à la Dent de Crolles
En surface, la dissolution du calcaire par l’eau de pluie peut se traduire par la formation d’un lapia. © CC BY-SA 2.5

Schéma des zones karstiques -  © Alain Mangin et Raymond Rouch (CNRS)

Schéma des zones karstiques –  © Alain Mangin et Raymond Rouch (CNRS)

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